A 4 km à l’Ouest du centre ville d'Obernai, le domaine de la Léonardsau et son parc de 9 hectares constituent un havre de calme et de verdure au pied du Mont Sainte-Odile.
Situé au lieu-dit Saint Léonard, à la limite entre la commune de Boersch et d’Obernai, le château et le parc sont la propriété de la Ville d’Obernai depuis août 1970.
Le domaine et son château reflètent la personnalité de son maître d’ouvrage, le Baron Albert de Dietrich. Homme passionné, aux goûts éclectiques, le baron fit construire le manoir pour abriter ses collections de faïences anciennes.
Le château lui-même forme un plaisant pastiche Renaissance avec des éléments gothiques et présente à l'extérieur une riche décoration de pierres et de boiseries sculptées, dont certaines sont anciennes et proviennent d'anciens édifices.
L’Histoire du Domaine
Le domaine de la Léonardsau tire son nom du lieu-dit sur lequel il s’étend. Cette région, aux confins des bans de Boersch et d’Obernai, était couverte de prés "Au" (humides) qui appartenaient à la collégiale de Saint-Léonard, d’où le toponyme de " Sanct Leonardsau” souvent abrégé Léonardsau.
Au XVIIème siècle : une blanchisserie (Bleiche) existe vraisemblablement dans le domaine, certainement depuis 1812, effectuant le blanchiment et le lavage sur pré des toiles de lin. Ce procédé consiste à étendre sur des prairies et à exposer au soleil les toiles de lin, filées, jadis, par les ménagères et tissées par des artisans tisserands.
La propriété rectangulaire, clôturée de haies et de murs d'enceinte, possède à ses quatre coins et en son milieu, cinq guérites en maçonnerie qui servent pendant la nuit à abriter les gardes de la propriété. Ces derniers devaient empêcher le vol des toiles exposées sur les prés. L’une des guérites existe encore, à la limite du lieu-dit Steinerne Furt.
L'eau provient d'un canal dérivé de l'Ehn, le Boerscherbach, prenant un tiers des eaux de l'Ehn en aval de l'ancien martinet de cuivre Oesinger à Klingenthal et rejoignant le ruisseau dit Weidasch (ou Weidesch) en aval de la porte inférieure de Boersch.
Ce canal servait aussi à alimenter les moulins et tanneries de cette dernière localité.
Avant 1789 : Les prairies appartenaient à la Collégiale de Saint-Léonard. Elles furent acquises par François-Joseph Bisch qui exploitait déjà la "buanderie".
Entre 1818 et 1823 : François-Xavier dit le Jeune, graveur-doreur d'armes de Klingenthal (1793-1841), continue cette entreprise et achète plusieurs lots de terrains communaux d'Obernai attenant à sa propriété. Ces terrains seront vendus par la Caisse d'Amortissement.
1824 : François-Xavier fait déplacer l'ancien bâtiment situé un peu en amont et édifie le bâtiment servant de ferme. En même temps, il fait construire un foulon en donnant un nouveau cours à la portion du canal située sur sa propriété, ce qui lui vaut des ennuis avec l'administration et les tribunaux. Tous ces conflits sont aplanis en sa faveur en 1838.
1869 : La blanchisserie et le foulon sont arrêtés, victimes de l'industrie moderne. Tout le terrain, situé en majorité sur le territoire d'Obernai, prés et vignes, ainsi que les bâtiments, sont cédés à la Société Couleaux et Cie, qui avait acquis de l'Etat, en 1838, les aiguiseries et martinets de l'ancienne manufacture d'armes blanches de Klingenthal.
1896 : Couleaux vend le domaine à son tour au baron Albert de Dietrich.
1899-1900 : Le baron commence par faire bâtir une villa formant la partie centrale du château, puis fait élever, en 1909-1910, l’aile Ouest par un architecte allemand qui s'inspire de la mairie d'Ensisheim.
Août 1914 : Le baron de Dietrich servant en 1914-1918 comme officier interprète dans l'armée française, le château est considéré comme bien ennemi et sert de résidence à l'Etat-Major du 119ème Régiment de réserve wurtembourgeois.
1915 : Le château sert de résidence à un autre Etat-Major qui invite le prince Eitel, fils de l'empereur Guillaume II, qui lui-même serait passé avec son fils à Obernai le 18 avril 1915. On ignore si la visite eut effectivement lieu.
Mai 1915 : Le château devient le Q.G. du Lieutenant-Colonel Bieberstein, commandant le 74e Régiment qui offrit à Charles Spindler et au curé de Boersch un "grand" dîner.
26 janvier 1918 : Le roi de Wurtemberg passe en revue les deux divisions wurtembergeoises, cantonnées dans la région, sur les prés de l'"Au", non loin de l'Ehn, devant le château.
Février 1918 : Le duc d'Urach (auquel on avait projeté, en 1914, d'offrir l'Alsace-Lorraine en apanage) inspecte une des divisions sur l’"Au", vers le Buehl.
Jusqu’au 3 novembre 1918 : Un colonel hongrois, appartenant à une des cinq divisions magyares, engagées sur le front occidental, loge au château. Le mobilier et les collections d'art de M. de Dietrich sont heureusement sauvegardées.
1921 : Le château est agrandi, lors du mariage de sa nièce, Mlle Oesinger, avec l'industriel Maurice Jacquel de Natzwiller, par l'aile Est (grand salon, grand bureau, appartement du premier étage, grande terrasse) et enfin en 1929, par le doublement de la salle à manger donnant vers le jardin. On voit encore, aujourd'hui, la vieille maison d'habitation (partie des communs actuels) datant du XIXème siècle et une maisonnette pour le gardien des prés. Le reste des communs est bâti entre 1900 et 1907.
1940 à 1944 : Le château est une annexe de la Nachrichtenschule SS d'Obernai qui occupe aussi la maison Laugel à Saint Léonard, El Biar, Oberkirch et la propriété Tardeux à Ottrott (une maternité se trouvait à Ottrott et une crèche à la Léonardsau...). Pendant la Seconde Guerre mondiale le mobilier et les oeuvres d'art sont en grande partie enlevés.
Jusqu'en 1950 : La propriété reste entre les mains d'Albert de Dietrich. Il la vend au Général Gruss, ancien Gouverneur Militaire de Strasbourg qui l'habite jusqu'en 1968 avant de se retirer à Colmar. Quelques semaines avant son décès, survenu le 11 mai 1970, le Général la céda à la Ville d'Obernai.
Le metteur en scène Claude Chabrol tourna à la Léonardsau le film "La Décade prodigieuse", tiré d'un livre d'Ellery Queen, et sur un scénario de Paul Gégauff, avec le concours d'Orson Welles (qui logeait dans une villa d'Obernai), de Marlène Jobert et d'Antony Perkins, pour le compte des "Films de la Boétie" (producteur André Génovès).
Dans ce but, l'intérieur du château fut entièrement refait, somptueusement meublé et décoré d'objets d'art baroque et des "années folles" de 1920-1930 (on utilisa aussi des Hispano-Suiza et des Bugatti des environs de 1925). Les extérieurs furent en grande partie tournés en Alsace, dans les Vosges, près de Boersch (avec le concours de gitans), à Obernai, Grendelbruch, Barr (bal avec 1500 figurants), Dambach-la-Ville, Molsheim, Sélestat, aux Trois-Epis et au lac de Lamaix. Les vedettes, Marlène Dietrich et Stéphane Audran, vinrent en juillet-août rendre visite aux acteurs. Ce film, discuté, procède de la manière d'Hitchcock et de l'expressionnisme de Lang et de Max Ophüls. Il baigne dans un monde fantastique, comme il se doit pour un film tiré d'un roman policier.
De 1984 à 2001, le Domaine abrite le Musée du Cheval et de l’attelage. Aujourd’hui, le parc est ouvert au public toute l’année.
En 2006, le court-métrage «Le mystère du Monocle noir» d’Olivier Arnold, avec Patrick Préjean, est tourné dans le parc.
Certaines parties du Domaine sont protégées au titre de la législation sur les monuments historiques :
les façades et toitures du château en totalité ;
à l’intérieur du château au rez-de-chaussée : le vestibule d’entrée, la chambre alsacienne, le salon 1900 et le grand salon avec leurs décors (inscription : 26 mars 1986) le parc, dans son aménagement d’origine (inscription : 7 décembre 1990)
Liens utiles
Un grand projet de partenariat public-privé pour la revalorisation du site
La ville d'Obernai, propriétaire du Domaine de la Léonardsau, a annoncé en septembre 2016 vouloir engager un ambitieux projet de revalorisation du site.
Le conseil municipal a approuvé le programme de ce projet, qui comprend notamment la construction d'une salle événementielle de 350 places sur l'emprise de l'ancien potager et d'un hôtel de luxe dans la grande prairie à l'Est du site.
Outre ces nouveaux équipements, les dépendances du château seraient transformées et accueilleraient un café et un restaurant, le rez-de-chaussée du château servant d'espace d'exposition et les étages de locaux de bureau.
Près de 10 millions d'euros seraient injectés dans la rénovation et la restructuration des bâtiments, mais également dans la restauration des jardins. Le montage juridique de ce projet est en cours et les discussions se poursuivent avec les différents partenaires privés et publics, dont la DRAC et l'Architecte des Bâtiments de France.